Lors du passage à 50 salariés, la création du comité d’entreprise implique 34 nouvelles législations et réglementations ainsi que des coûts supplémentaires : œuvres sociales, heures de délégation, temps de réunion, etc.
L’entreprise qui refuse de franchir le fatidique seuil des 50 dispose de quelques astuces, mais s’expose à un risque juridique. En revanche, l’utilisation du comité d’entreprise comme outil de communication pourrait-être une bonne façon de “rentabiliser” les coûts afférents.
Le nombre d’entreprises de 49 salariés est plus de “deux fois supérieur” à celles de 50 salariés, indique le Conseil économique et social, dans un rapport intitulé PME et commerce extérieur (2007).
Des contraintes liés au 50 collaborateurs
Les contraintes qui apparaissent, passé le seuil des 50, dépendent surtout de la création du comité d’entreprise (CE). N’importe quel employé peut demander sa création si l’entreprise compte 50 salariés pendant 12 mois, consécutifs ou non, sur une période de trois ans. Avec ses procédures, ses obligations juridiques et ses nouvelles dépenses, il fait parfois figure d’épouvantail pour les employeurs.
Le rapport Attali pour la “libération de la croissance” (2008) dénombre pas moins de “34 législations et réglementations supplémentaires”, qui représentent “4 % de la masse salariale”, lors du passage à 50 salariés. Ce seuil “déclenche la double conséquence de créer un stress psychologique et une augmentation des coûts”, déplore Frédéric Bedin, président du think-tank Croissance plus. Même la CFDT estime que “le franchissement des seuils amène des contraintes supplémentaires à l’employeur” et milite pour un lissage des contraintes dans le temps, afin qu’il s’adapte au fil de l’eau. Mais difficile, pour l’entreprise de 49 salariés, de refuser de franchir le seuil des 50, sous peine de freiner son développement.
Qu’est-ce qu’un comité d’entreprise ?
Sur le fond, quels changements implique la création d’un comité d’entreprise, par rapport aux délégués du personnel (DP) ? Obligatoires dès 11 salariés, les DP remontent à la direction les problèmes du quotidien : toilettes défectueuses, matériel vieillissant, inégalité des primes entre deux salariés, etc.
Alors que le comité d’entreprise s’intéresse à la marche générale de l’entreprise, à ses évolutions, et représente l’ensemble du personnel. Un pas supplémentaire dans le dialogue social.
“La direction peut déjà être amenée à mener un dialogue social avec les DP. Mais le CE apporte davantage de formalisme et de règles à respecter. La direction et les élus détiennent un rôle plus précis”, résume David Askienazy, directeur de l’activité consulting de Bernard Julhiet Group.
Le comité d’entreprise a aussi vocation à introduire davantage de transparence. Les salariés sont tenus informés, régulièrement, des décisions du chef d’entreprise, de sa stratégie, ou des difficultés de l’entreprise. L’instance constitue ainsi
“un nouveau canal de communication RH”, selon Pierre Vergnaud, directeur associé de Finaxim, réseau national d’experts en gestion opérationnelle des ressources humaines.
Le comité d’entreprise possède aussi un droit de regard dans plusieurs domaines : suppression d’effectifs, introduction de nouvelles technologies, organisation du travail, recours aux contrats à durée déterminée, mise en œuvre du chômage partiel, etc.
La création du comité d’entreprise entraîne également la naissance du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), très en vogue avec les préoccupations sur les risques psychosociaux et les troubles musculo-squelettiques. Les avis de ces instances ne sont que consultatifs, “ils ne lient en aucun cas l’employeur”, précise Pierre Vergnaud.
Un comité d’entreprise est lourd à mettre en place
Toutefois, le chef d’entreprise doit composer avec de nouvelles réunions, un nouveau cadre juridique et des délais à respecter.
“D’un côté, le CE peut ralentir le projet, de l’autre cela oblige l’employeur à faire un effort d’explications et de pédagogie”, souligne David Askienazy.
Des réunions, mensuelles ou bimestrielles, sont obligatoires.
“Il faut respecter les 3 jours ouvrables entre la réception de la convocation de l’ordre du jour et la réunion. De nombreuses entreprises ne respectent pas ce délai. Si aucun salarié ne le relève, c’est sans conséquences. Dans le cas contraire, l’ordre du jour doit être rédigé à nouveau”, indique l’avocat Arnaud Blanc de la Naulte, du cabinet NMCG associés.
En cas de non-respect de la loi, le comité d’entreprise peut brandir la menace juridique, pour faire pression sur l’employeur.
“Le délit d’entrave, qui consiste à freiner ou empêcher l’exercice d’un mandat du CE, peut conduire à une amende de 3 750 euros et une peine d’un an de prison”, prévient Pierre Vergnaud.
Ainsi, en cas de relation conflictuelle, l’invocation du cadre juridique par le comité d’entreprise peut doubler le temps consacré par la direction à cette nouvelle instance. Le détail des informations transmises peut également être considéré comme une lourdeur administrative pour les employeurs. Par exemple, parmi les “34 législations et réglementations supplémentaires” relevées par le rapport Attali, figure notamment la transmission des données sur le travail à temps partiel : nombre d’heures, sexe et qualification des employés.
Le coût lié à la création d’un CE
La création du CE entraîne également des coûts directs.
“Les charges obligatoires représentent 0,2 % de la masse salariale : pour les frais de fonctionnement, frais de documentation, frais de formation des élus, etc.”, indique Juliette Benoist d’Etiveaud, expert-comptable, présidente du cabinet Evoliance.
Il faut également compter les heures de délégation des élus du comité d’entreprise : 20 heures pour chacune des trois personnes, par mois.
“Il s’agit d’un maximum. Cela ne signifie pas qu’elles sont utilisées. Mais si elles s’ajoutent à la charge de travail, elles peuvent engendrer le paiement d’heures supplémentaires”, constate-t-elle.
Le chef d’entreprise ou son directeur général ainsi que le responsable RH doivent dégager du temps pour les réunions.
Le CE doit pouvoir disposer d’un local clos, une petite chapelle où la direction n’a pas accès, avec photocopieur et ligne téléphonique. Pas nécessairement de manière permanente, mais cela peut poser des difficultés en terme d’espaces.
Enfin un budget est consacré aux œuvres sociales dont le comité d’entreprise récupère le monopole : chèques vacances, voyages, tickets de cinéma, arbre de noël, etc. Son montant est basé sur les dépenses sociales effectuées les trois années précédentes, avant la mise en place du CE.
L’année la plus favorable est retenue. Il atteint en moyenne 0,9 % de la masse salariale et son augmentation annuelle dépend du bon vouloir de l’employeur.
A ces sommes s’ajoutent les coûts cachés : si le CE nomme un expert pour une étude, l’entreprise paye la facture. Sans oublier le déclenchement de la formule de participation obligatoire, lors du passage à 50 salariés. En revanche, le CHSCT ne dispose pas de budget.
Le palier des 49 personnes
Si elle ne souhaite pas dépasser le seuil des 50, l’entreprise dispose de plusieurs pistes, mais elles sont plutôt minées.
Nombre de PME restent en effet sur le palier des 48 ou 49, en s’exposant une nouvelle fois à un risque juridique.
“La jurisppudence peut légitimer la demande d’un salarié qui souhaite la création d’un CE, si l’entreprise a une volonté délibérée de ne pas dépasser le seuil des 50”, indique maître Arnaud Blanc de la Naulte.
Certaines se divisent en plusieurs sociétés de moins de 50 salariés. Une disposition tout à fait légale, s’il s’agit d’établissements distants les uns des autres, qui visent une clientèle distincte : Lyon, Marseille, Toulouse, etc. Avec à leur tête, un directeur d’établissement.
Au contraire, s’il s’agit de plusieurs sociétés sur une même zone, le juge peut considérer qu’il y a une volonté d’éviter l’émergence d’un CE.
De plus, en cas d’unité économique et sociale, avec un même centre de paie, la loi peut contraindre à la création d’un comité d’entreprise commun pour les différentes sociétés.
Pour rester sous le seuil des 50, l’entreprise peut également recourir à des intérimaires et des CDD, au risque de les faire requalifier.
Enfin, l’entreprise peut croiser les doigts pour que la création d’un CE ne traverse pas l’esprit des employés.
“Sa création est une obligation légale, mais elle n’est pas automatique. Si les salariés ne le demandent pas et que chacun se satisfait de l’absence de CE, l’entreprise peut très bien fonctionner ainsi. A l’inverse, si un salarié ou un représentant syndical réclame l’organisation d’élections du personnel, et que le chef d’entreprise ne répond pas à cette demande, il y a délit d’entrave”, prévient Pierre Vergnaud.
En cas d’échec des élections, faute d’un nombre suffisant de voix ou de candidats, l’entreprise peut fonctionner sans comité d’entreprise. Mais à tout moment, le personnel peut demander la tenue de nouvelles élections.
En outre, si l’entreprise repasse sous le seuil des 50, le CE peut être supprimé. Une suppression néanmoins qui nécessite l’autorisation de l’inspection du travail…
Le dialogue comme outils de communication pour mettre en place un CE
En cas de création du CE, l’entreprise peut le rentabiliser en l’utilisant comme un outil de communication.
“Sous certaines conditions, le CE constitue un facteur d’amélioration pour l’entreprise. Le dialogue social ne doit ni tomber dans le travers de l’idéologie, ni dans l’angélisme, car il ne suffit pas de créer un CE pour qu’il soit efficace”, estime David Askienazy.
Selon lui, il existe deux manières de procéder : la “manière défensive” où l’employeur exécute le minimum légal, par obligation, sur la base “moins j’en dis, mieux je me porte”. La direction diffuse alors le minimum d’informations, dans la limite des délais légaux. “Dans ces conditions, on ne transforme pas le CE en outil de dialogue”, prévient-il.
La deuxième méthode consiste à considérer le comité d’entreprise comme une “opportunité”, en permettant aux salariés de se forger une “culture économique” : problèmes de trésorerie, différence entre chiffre d’affaires et bénéfices, longueur des délais de paiement, etc. Ainsi, les élus comprennent les problématiques de la PME et peuvent les communiquer auprès du personnel. Même son de cloche du côté de Fabrice Signoretto, directeur associé d’Idée Consultants.
“On accepte le dialogue ou on le refuse. Si on le refuse, les représentants du personnel vont s’arc-bouter sur leurs droits et développer un penchant pour le juridisme”, affirme-t-il.
Lors de la création du CE, les consultants insistent sur la nécessité d’instaurer un climat “serein et positif”, et à présenter l’instance comme “utile” pour l’entreprise, afin de ne pas créer de défiance. Les candidats se présenteront ainsi pour “aider l’entreprise”, et non pour se lancer dans un bras de fer.
Ensuite, la direction gagne à mettre les élus du CE en bonne situation, “via la qualité des informations qui leur sont transmises, afin de leur permettre de préparer et mener le comité d’entreprise correctement”, indique David Askienazy.
Enfin, elle peut entretenir la qualité des relations personnelles, plus ou moins formelles, avec les élus. “Dans tout système où il existe des instances collectives, leur réussite repose sur la qualité des relations avant la réunion”, poursuit-il.
Au final, “les représentants du personnel sont le vecteur de la râle, mais peuvent faire remonter des problèmes ou des questions tues par l’encadrement. L’employeur a ainsi une communication en stéréo et non en mono”, analyse Fabrice Signoretto.
En revanche, il ne peut pas confier au comité d’entreprise d’autres missions que celles prévues par le code du travail, car celles-ci sont réglementées.
Pour réduire ses coûts, le chef d’une entreprise de moins de 200 salariés peut décider d’instaurer la Délégation unique du personnel (DUP).
Ce système dans lequel les élus du comité d’entreprise occupent également la fonction de délégué du personnel concerne environ un tiers des sociétés.
“La DUP permet de moins se disperser en réunion”, estime Juliette Benoist d’Etiveaud.
“La logique de la DUP permet de simplifier les relations sociales en les professionnalisant”, indique de son côté Pierre Vergnaud.
En conclusion, Marcel Grignard, secrétaire général adjoint de la CFDT, estime que
“le CE est un lieu d’échanges et dialogue qui permet aux salariés de mieux comprendre la stratégie des entreprises. Le coût d’un comité d’entreprise est réel, mais inférieur à ce qu’il peut rapporter”
Par Alain Roux
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