Dans le cadre d’une relation contractuelle, un incident est presque inévitable. Surtout quand il s’agit d’un contrat à long terme ou de relations récurrentes.
Lorsqu’un pépin se présente, avant de se jeter tête la première dans la bataille à grands coups de procédures juridiques, il est essentiel de ne pas oublier une arme puissante, mais souvent négligée : le contrat en tant que tel.
Aidé de ses clauses (pénale, d’exécution forcée, de résiliation…), le contrat reste le meilleur allié des parties pour anticiper les tensions et tâcher de les résoudre avec sérénité et efficacité. À condition d’avoir intégré ces clauses en amont dans les conditions générales d’achat. Quelles sont ces clauses ? Comment fonctionnent-elles ? Faisons le point.
La clause pénale
La clause pénale renvoie à une sanction prévue par les parties signataires d’un contrat en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution d’une obligation par l’une des parties, entraînant une perte ou un manque à gagner pour l’autre (art. 1231-5 du Code civil). Malgré l’adjectif « pénal », il s’agit bien d’une sanction civile.
La clause pénale diffère des clauses :
- d’indemnisation forfaitaire (celle-ci fixe le montant de l’indemnité due en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution de l’obligation) ;
- limitative de responsabilité (celle-ci détermine un plafond de dommages et intérêts dus par le débiteur au créancier en cas d’inexécution) ;
- de dédit (celle-ci autorise le débiteur à « reprendre » le consentement donné en contrepartie du versement d’une somme convenue en amont).
La clause pénale ne constitue pas un « déséquilibre significatif » (art. L. 442-6, I, 2° du Code du commerce) et peut donner lieu à une hausse de la pénalité prévue si celle-ci est manifestement dérisoire, ou, inversement, à une modération si elle est jugée excessive ou si l’engagement a été exécuté en partie.
Toutefois, cette clause est parfois remise en cause en raison de règles spéciales, et peut être purement et simplement interdite, par exemple en droit du travail (art. L. 1331-2 du Code du travail).
Les sanctions cumulées supplétives ouvertes par le Code civil
L’Ordonnance du 10 février 2016 (art. 1217) prévoit différentes sanctions relatives à des cas de mauvaise exécution ou de retard dans l’exécution d’une obligation. Bien articulées, elles offrent un panel de recours gradué, avec la possibilité de les aménager ou d’écarter celles qui ne sont pas pertinentes. Voici quelles sont ces sanctions.
- La suspension ou le refus de l’exécution (art. 1219 et 1220). Elle peut être invoquée lorsqu’il y a inexécution (même partielle) d’une obligation, y compris en anticipation s’il est « manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance », dès lors qu’il existe des conséquences sérieuses pour la partie adverse.
- L’exécution forcée (art. 1221). Par son biais, il est possible de demander à un juge qu’il condamne le débiteur à exécuter en nature son obligation jusqu’à son terme. Une mise en demeure en amont est indispensable. Toutefois, dans le cadre d’une obligation de faire, cette sanction est difficilement applicable.
- L’exécution par un tiers aux frais du détaillant (art. 1222). Le débiteur est condamné par un juge à payer sous astreinte ou à avancer les sommes nécessaires pour couvrir les charges engagées par le tiers autorisé.
- La réduction de prix (art. 1223). Le créancier sollicite une réduction du prix auprès du débiteur, proportionnelle au préjudice, en contrepartie d’une exécution imparfaite du contrat. En cas de contestation, il revient au juge de trancher.
- La résolution ou la résiliation d’un contrat à exécution successive, sans remise à l’état initial (art. 1226). Le débiteur se voit notifier une résolution unilatérale si l’inexécution de son obligation est jugée suffisamment grave « aux risques et périls du créancier », avec mise en demeure au préalable. Une clause de résiliation conventionnelle peut être négociée en amont par les parties et incluse dans le contrat.
- L’allocation de dommages et intérêts (art. 1231 et suivants). C’est au demandeur de prouver le préjudice et son quantum.
Au titre des sanctions cumulées supplétives, deux types de contrats sont soumis à des particularités :
- Le contrat-cadre laisse la possibilité à l’une des parties de fixer unilatéralement le prix. En cas de contestation, il revient à la partie en question de motiver ce prix. En cas d’abus manifeste (disproportion, contrainte, détournement de pouvoir), l’autre partie peut obtenir la résolution du contrat ou des dommages et intérêts.
- Le contrat de prestation de service laisse au créancier la possibilité de fixer le prix si aucun accord bilatéral ne peut être atteint. En cas de contestation, c’est à lui de motiver ce prix. En cas d’abus, il s’expose à une demande de dommages et intérêts de la part du débiteur. Ici, il n’existe pas de possibilité de résolution du contrat. Une clause ad hoc peut néanmoins écarter la possibilité de faire appel à un juge.
La clause de médiation ou d’arbitrage
Cette clause permet de recourir à la médiation avant de lancer une procédure, sous l’égide d’un tiers impartial et indépendant (qui n’est pas un juge, mais un médiateur laissant aux parties le soin de trouver une solution).
C’est une démarche stratégiquement opportune : dans le cadre d’une médiation, les deux parties peuvent exprimer leurs besoins et les intérêts dissimulés derrière les simples postures, bien au-delà des seuls arguments juridiques, et en dehors des contraintes de temps imposées par des procédures judiciaires de plus en plus courtes.
Ainsi, une médiation peut durer le temps nécessaire, en vertu de la suspension du délai de prescription (aux conditions soulignées dans le Code civil, art. 2238). Ces discussions restent confidentielles, et les parties ont toute liberté pour trouver l’accord qui leur convient, celui-ci pouvant être homologué par un juge (c’est ce qui différencie la médiation de l’arbitrage, la décision rendue par les arbitres ayant force de chose jugée). En outre, elle est bien plus économique qu’une procédure.
La médiation est donc un outil puissant, idéal pour traverser les mers houleuses qui séparent parfois les deux parties contractantes.
Un désaccord n’est pas fatalement destiné à se transformer en conflit. Les clauses du contrat offrent des solutions créatives et pragmatiques pour échapper au tourbillon de la procédure judiciaire, avec des bénéfices pour les deux parties.
Cela nécessite néanmoins une prise de conscience en amont de l’établissement du contrat, et le concours d’un avocat spécialisé pour instaurer le dialogue et tisser des liens contractuels moulés sur les besoins stratégiques et opérationnels de chacun.
Fabienne Havet, Avocat au Barreau de Paris et Médiateur
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