Depuis quelques années, les différentes juridictions saisies pour des litiges liés à la cybersurveillance ont dressé autour du salarié un espace protégé quasiment inviolable, au sein même de l’entreprise, au nom du nécessaire respect à la vie privée. Dans un article de doctrine Alain Curtet, juriste, revient sur la portée de la jurisprudence Nikon au regard des fichiers et répertoires personnels.
Depuis l’arrêt NIKON du 2 octobre 2001, il est désormais reconnu que « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée. »
En conséquence « […]l’employeur ne peut prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail ». Confirmée dans son principe, cette jurisprudence avait déjà fait l’objet d’une première précision, l’interdiction de prendre connaissance des messages électroniques d’un salarié s’appliquant même si l’employeur avait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur.
Il convient de s’interroger sur l’application ou non de cette jurisprudence pour les fichiers contenus dans les répertoires informatiques d’un disque dur d’un ordinateur mis à disposition du salarié.
La Chambre Sociale de la Cour de Cassation a précisé que « … l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé… ».
Mais elle a ajouté que la consultation de ces fichiers aurait pu être effectuée en l’absence du salarié « en cas de risque ou d’événement particulier ». En l’absence de risque ou d’événement particulier, l’employeur ne peut donc ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier, mais pas forcément avec son accord.
Alain Curtet souligne alors que l’identification du caractère personnel est simple dès lors que le répertoire (PERSO, PERSONNEL, …) ou le nom du ou des fichiers revêtent de manière apparente leur caractère privé.
Toutefois, dès lors que le caractère privé ne ressortira ni du lieu de sauvegarde (pas dans un répertoire personnel, ni sur une disquette portant un autocollant portant la mention manuscrite PERSO, ou encore sur une clé USB perso, …) ni du nom choisi pour les identifier mais seulement de leur contenu, certains employeurs pourront être tentés de prendre connaissance des informations en invoquant la sécurité de l’entreprise. Mais à cet égard, l’auteur rappelle qu’en cas d’atteinte à une liberté fondamentale telle que le respect à la vie privée, le contrôle du juge, très poussé, porte sur l’idée de proportionnalité.
La fouille, qu’elle concerné une armoire personnelle ou un support dématérialisé, doit :
-* avoir un fondement textuel
-* être justifiée par des circonstances exceptionnelles et des impératifs de sécurité
-* être contradictoire
-* respecter le principe de proportionnalité.