La crise sanitaire induite par la pandémie de la Covid-19 a remis au centre des préoccupations des dirigeants la gestion des risques. Face à la violence et surtout la rapidité avec laquelle s’est développé le coronavirus, les entreprises ont-elles pu répondre et apporter des réponses adaptées dans un quotidien chamboulé ? Les organisations les plus acculturées au management du risque ont-elles été celles qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu ? Quelles leçons en matière de gestion des risques peut-on retirer de cette crise ?
1. Gérer l’incertitude et non le risque
La crise du coronavirus a suscité des questions dont les réponses étaient parfois contradictoires et opposées. Par exemple, entre les experts pensant que nous avions affaire à l’épidémie du siècle, et d’autres à une simple grippe saisonnière. Certaines questions restent en suspens, comme l’évolution du virus en une forme plus mortelle. Ce constat permet en tout cas de faire le distinguo entre le risque et l’incertitude.
Le risque correspond à des événements connus, qui se sont déjà produits et sur lesquels il est possible de calculer des probabilités pour anticiper l’avenir. À l’inverse, l’incertitude correspond à une situation inédite, dont nous ne pouvons connaître à l’avance le déroulement des évènements qui la composent. La crise sanitaire s’apparente malheureusement au second cas : les entreprises, mêmes celles qui pratiquent la gestion des risques dans leur processus de décision, se sont trouvées démunies face à une situation d’une ampleur inédite, et dont il est encore à l’heure actuelle impossible d’en connaître l’épilogue…
2. Management des risques : les leçons à tirer de la pandémie
Pour autant, selon Olivier Wild, président de l’Amrae (Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise) et responsable des risques du groupe Véolia 1, ce sont bien les entreprises avec une solide gestion du risque qui s’en sont le mieux sorties. Face aux multiples conséquences de la pandémie : entraves à la circulation des biens et des personnes, difficultés dans la supply chain (approvisionnement et logistique) ; les organisations qui pratiquent le risk management et qui ont par conséquent développé des réflexes d’adaptation face à une situation, ont pu s’organiser plus efficacement pour permettre à l’entreprise de continuer à tourner, même amputée d’une partie de son personnel…
Cette crise a montré qu’un événement géographiquement limité à une région, puis un pays, pouvait en quelques semaines devenir une crise mondiale. Les entreprises ont aussi pris conscience que des risques de nature différentes pouvaient se manifester dans le même temps (risques climatiques, cybersécurité…). C’est pourquoi, toujours selon Olivier Wild, pour se prémunir du risque, les entreprises doivent élargir leur focale aux risques extérieurs comme le climat ou la géopolitique et développer une cartographie des risques qui incluent « (…) des enjeux sociaux, sociétaux, environnementaux, de la contribution sur le territoire, etc. »
Le coronavirus a aussi exposé au 1er plan certaines fonctions support de l’entreprise, les propulsant dans le management du risque. C’est le cas par exemple des ressources humaines de l’entreprise. Si le risque est évalué par les services RH (fusion, acquisition, réglementation, sécurité, harcèlement, discrimination, etc.), la pandémie de la Covid-19 les a contraintes à affronter un risque d’un nouveau genre et à mettre en place dans un temps très court un management par le risque. On peut ainsi légitimement penser que la crise sanitaire a rappelé aux professionnels des RH l’importance cruciale de se former au management de TOUS les risques, quel que soit leur nature.
3. Comment décider dans l’incertitude ?
Face à l’incertitude d’un événement sans précédent, les décideurs ont 2 options : prendre des décisions radicales pour limiter l’épidémie, au risque de casser la croissance économique, ou attendre avant de prendre des mesures draconiennes pour se faire une idée plus précise de l’évolution de la crise, au risque de précipiter une catastrophe économique. Que faire ? Les travaux sur l’incertitude démontrent qu’il est plus facile pour le chef d’entreprise d’estimer la perte acceptable (choix n°1) que le gain attendu (choix n°2).
Finalement, le dirigeant doit essayer de prendre les meilleures décisions en raisonnant à 3 niveaux :
1) Faire le tri entre ce qu’on sait de la situation, ce qu’il est impossible de savoir, ce que l’on suppose et ce que l’on ne sait pas
2) S’inspirer de contextes analogues : nous avons pu apprendre des décisions prises par les états les premiers touchés par le coronavirus, à condition de bien identifier les similitudes, mais aussi les différences entre chaque situation
3) Choisir d’agir fortement sans attendre ou prendre le risque d’agir trop tard ; les études montrant une préférence pour la 1ère solution pour laquelle il est plus évident d’évaluer une perte acceptable.
(1) Interview donnée au journal Les Echos, édition du 3 février 2021