La fonction de DRH comme on la connaît, comme je la pratique, comme on la fait tous, c’est une fonction interne à l’entreprise. C’est-à-dire qu’elle est interne à des entités organisationnelles. Et nous cherchons à retenir des gens, à capter des talents, à les développer pour l’entreprise. Mais je pense que demain ce n’est plus du tout ça le métier.
“Les DRH d’aujourd’hui ne sont pas prêts pour les défis de demain!” – Entretien avec Laurent Choain par Laurent Brouat
[..] « La fonction de DRH comme on la connaît, comme je la pratique, comme on la fait tous, c’est une fonction interne à l’entreprise. C’est-à-dire qu’elle est interne à des entités organisationnelles. Et nous cherchons à retenir des gens, à capter des talents, à les développer pour l’entreprise. Mais je pense que demain ce n’est plus du tout ça le métier. Je pense que demain, il y aura une plus grande volatilité des compétences, des gens beaucoup plus libres dans leur mode d’association. Après, avec des besoins. Des entreprises plus petites aussi et plus assembleuses de compétences, horticultrices de talents internes. Donc ce ne seront plus des grandes serres dans lesquelles les plantes poussent mais ce seront plutôt des sortes de grandes surfaces dans lesquelles on ira acheter des compétences. Et qui, elles, après, développeront un vrai savoir d’assemblage de ces compétences. Du coup, le DRH qui serait un DRH interne, en cherchant à contrôler une ressource interne, pour moi n’a pas l’avenir. Parce que je pense plutôt que ce qui a un avenir ce sont des gens capables de connecter des mondes de compétences. »
LinkedIn préfigure ça d’une certaine façon. Pour moi, LinkedIn c’est moins le CV qui importe que le système de références qu’ils viennent d’inventer. Ça, c’est une vraie rupture ! C’est à dire qu’on commence à avoir des communautés de compétences qui peuvent s’organiser de manière très ouverte et très mobile, et je pense que les DRH dans 10 ou 15 ans seront plus des gens qui seront au cœur de ces communautés, qui auront une respectabilité, qui auront, en fait, un minimum de savoir mettre ensemble tous ces gens-là. Et parce que ces gens leur feront confiance, ils seront des agents de joueurs comme les agents sportifs. C’est ça l’idée. Des gens capables d’être des imprésarios de compétences, mais aussi peut-être d’être des avocats, des gens qui représenteront ces grappes de compétences, en pouvant les mettre à disposition d’entreprises mais de manière très ouverte. »
[..] « Donc, en fait, on est dans un monde où ce n’est pas du savoir ce que j’évoque là, simplement des data, mais ça change tout. C’est-à-dire que l’accès aux données rend obsolète une forme de savoir qu’on aurait par rétention et qui fait qu’on viendrait le délivrer au bon moment. Mais de la même manière, bien au-delà, ce qui est le vrai sujet, c’est que l’ensemble de notre logiciel a été formaté sur cette idée. Par exemple, qu’il y ait des progressions qui soient des progressions liées à l’encadrement d’équipes, à la maîtrise d’un budget, bref, aux fonctions d’encadrement ou de management, qu’être manager c’est dur mais que c’est une vraie responsabilité, qu’il faut que ce soit ces gens-là qui soient payés plus que les autres, etc.
Or, tout ça est en train de se renverser parce que d’abord de moins en moins de gens ont envie d’être managers. Et beaucoup au fond n’ont pas envie d’être managés. Derrière ça, on ne peut pas vraiment dire qu’être manager de premier niveau ce soit beaucoup plus près que d’être dirigeant, que d’être beaucoup plus près d’un employé. De toute façon il y a eu une prolétarisation du management, et c’est un phénomène qui est assez mondial. Et ce sont des codes anciens tout ça. Aujourd’hui, ce n’est plus comme ça qu’on réfléchit. Qu’on le veuille ou non, on continue d’avoir ces schémas-là en tête. Même si on est contre, ou même si on pense qu’il peut y avoir autre chose. Je crois qu’il faut vraiment ouvrir la porte à des gens qui vont être capables de penser de manière très neuve, très nouvelle, d’avoir une manière différente de regarder les choses. »