Vendredi 6 janvier, Météo France a confirmé ce que tous les experts et observateurs pressentaient : à savoir que l’année 2022 se classe comme l’année la plus chaude jamais enregistrée en France depuis le début des relevés, en 1900. Un rappel cinglant du rapport 2022 du GIEC sur l’état d’urgence climatique. Le phénomène d’accélération du dérèglement climatique ajouté à la crise Covid-19 qui a remis au centre des préoccupations la santé humaine, obligent les acteurs publics et économiques à réagir.
C’est pourquoi la place et l’importance de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ne se discute plus… Au cœur des entreprises, le DAF joue un rôle essentiel pour mettre en place la stratégie RSE. Cet article montre en quoi la fonction administrative et financière se retrouve au centre des enjeux RSE;
1. L’importance croissante des rapports extra-financiers
Conscients des enjeux climatiques et humains, les acteurs économiques n’ont pas attendu le rapport 2022 alarmant du GIEC pour commencer à agir. En revanche, ce qui change, c’est l’accélération menée dans le calendrier législatif par l’État pour forcer dans un premier temps les grandes entreprises à communiquer sur leurs actions RSE dans le cadre des critères ESG.
Commençons par expliciter ces acronymes. La RSE est la mise en pratique des actions durables appliquées par les entreprises, alors que le sigle ESG (Environnement, Social et Gouvernance) désigne les critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance à prendre en compte pour évaluer une politique RSE.
Ainsi, depuis 2017, les grands groupes doivent fournir une Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) qui explicite déjà les actions prises en matière environnementale, sociale et de Gouvernance. Il s’agit d’un rapport qui décrit : 1) les principaux risques en lien avec l’activité de la société ; 2) les politiques menées pour identifier, prévenir et atténuer la survenance de ces risques.
Il ne faudrait pas croire que ce rapport se limite à un simple déclaratif des risques, puisque le législateur exige aussi que soient consignés les résultats des politiques RSE menées. D’ailleurs, La Commission européenne a communiqué les lignes directrices de l’information non financière, ainsi que les indicateurs à prendre en compte. Certains modèles sont préconisés, comme ceux de la Taskforce on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), ou encore de la Global Reporting Initiative – organisme international indépendant de normalisation concernant la performance en développement durable d’entreprises et d’organisations gouvernementales ou non.
Le rapport extra-financier inclut ainsi des indicateurs ESG à renseigner par l’entreprise pour mesurer l’impact véritable des initiatives qu’elle déploie en matière de RSE. En matière d’environnement, il s’agit, par exemple 1 :
- Émissions de gaz à effet de serre
- Part de la surface des sites opérationnels détenus (loués ou gérés) situés dans (ou à proximité) d’aires protégées
- Quantité de déchets produits
- Consommation d’eau par marchandise produite ou chiffre d’affaires
- Nombre d’incidents de non-conformité sur la qualité de l’eau
- Consommation d’énergie à partir de sources renouvelables
Autrement dit, la Déclaration de Performance Extra-Financière marque un 1er pas vers l’obligation juridique, pour les entreprises, de communiquer une information extra-financière qui ne se limite plus à un catalogue de bonnes intentions, mais à la mesure véritable de la performance RSE qui s’appuie sur des critères quantifiables, car mesurables
Sur le sujet, Edwige Rey, Associée et Responsable du département RSE & Développement Durable chez Mazars déclare : « Le passage à la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) a marqué un renouveau, avec un reporting notablement plus mature et professionnalisé : l’objectif n’est plus de reporter des informations listées par le législateur, mais de montrer la performance extra-financière de l’entreprise dans une optique de création et de partage de valeur. »
Alors, évidemment, si la professionnalisation des rapports extra-financiers concerne les grandes entreprises – la DPEF s’applique aux sociétés cotées ou réalisant un chiffre d’affaires net de 100 M€ employant au moins 500 salariés -, l’accélération du dérèglement climatique nous fait penser que le législateur va rapidement étendre l’obligation aux moyennes et petites entreprises.
D’ailleurs, la Commission européenne a mis en place une nouvelle directive : la CSRD « Corporate Sustainability Reporting Directive » qui devra être fournie et mise en place progressivement par les entreprises à compter de 2024.
Ces dernières se verront imposer un reporting extra-financier précis à intégrer dans le traditionnel rapport annuel qui intègre obligatoirement les critères ESG.
Cette nouvelle directive s’appliquera dès janvier 2024 à toutes les entreprises qui remplissent déjà une DPEF, puis plus largement aux entreprises de taille plus modestes : ainsi, à partir de janvier 2026, les PME cotées sur des marchés réglementés seront concernées. La CRSD va plus loin dans les obligations de mesure et suivi de la politique RSE. Elle intègre notamment le principe de double matérialité. Une entreprise devra rapporter les risques liés au changement climatique sur son activité et à la fois détailler son impact carbone.
2. La performance extra-financière devient un objet d’évaluation et de comparaison indispensable
Si le législateur resserre l’étau en matière de reporting extra-financier exigé auprès des entreprises, d’autres raisons ne laissent plus vraiment le choix aux organisations, peu importe leur taille, pour communiquer et mettre en œuvre une politique RSE concrète. Selon le cabinet de conseil, audit et expertise PwC, dans son étude Priorités 2022 des Directions financières2, la proportion des DAF qui constate des attentes plus fortes en termes de production et communication d’informations extra-financières atteint 65% au sein des PME/ETI.
D’où vient cette pression ? Elle est multiple. D’abord les consommateurs, dont on voit que le comportement d’achat a évolué, encore plus après la période Covid, pour choisir des marques respectueuses de l’humain et de l’environnement. Pour s’en convaincre, il suffit de voir la multiplication des « bad buzz » autour des marques des secteurs de la mode ou du textile éclaboussées par des scandales sociaux ou/et environnementaux. Les consommateurs les boycottent purement et simplement. Autre pression extérieure à l’entreprise : les candidats à l’embauche.
Désormais en position de force sur le marché du travail, ils demandent quelles sont les mesures concrètes prises par l’entreprise pour améliorer son bilan carbone *. La question ne prête plus à sourire chez les DRH qui savent que ce type de question fait partie intégrante des critères de choix d’un diplômé pour rejoindre un employeur ? * Sur le sujet, lire : « Dirigeants de TPE-PME : 3 réponses pour recruter et fidéliser en 2022 ! » ? Ainsi, pourquoi Total a-t-il du mal aujourd’hui à recruter des diplômés sortis des Grandes Écoles ?
Enfin, les attentes en matière de transparence extra-financière s’accentuent du côté des investisseurs. Les acteurs de la Finance, notamment, prennent en compte les critères extra-financiers de type ESG pour justifier leurs investissements. On parle désormais de « Finance Durable », et même de changement de modèle chez les acteurs financiers qui intègrent désormais les dimensions environnementales et sociales.
Sur ce point, l’Union européenne a adopté en 2020 le règlement « Taxonomie » qui permet aux acteurs financiers de faire le tri et choisir de soutenir des projets économiques qui contribuent le plus au développement durable. Il classe les activités économiques selon leur potentiel de contribution aux 6 objectifs environnementaux définis par l’UE qui sont :
- Atténuation du changement climatique
- Adaptation au changement climatique
- Protection et utilisation durable des ressources hydriques et marines
- Transition vers une économie circulaire
- Prévention et contrôle de la pollution
- Protection et restauration de la biodiversité des écosystèmes
Les entreprises sont de plus en plus surveillées et évaluées par les investisseurs. Et attention au Greenwashing qui passe aujourd’hui difficilement :
Savez-vous par exemple qu’il est interdit, depuis le 1er janvier de cette année, pour une entreprise, de faire la promotion d’un produit dit neutre en carbone, si son bilan carbone ou les mesures compensatoires adoptées ne sont pas explicitées.
On le voit, la performance d’une entreprise n’est plus limitée aux seuls critères économiques et financiers. Désormais, l’organisation a 2 défis à relever : 1) produire des données extra-financières fiables – et ce n’est pas simple lorsqu’on démarre de zéro ! – et 2) concevoir un modèle économique « win-win » : à la fois gagnant sur la base des critères ESG et économiquement rentable pour l’entreprise.
3. Le DAF au cœur des données RSE
Voici donc les enjeux RSE et l’équation posée aux entreprises. Très bien, mais qui, dans l’entreprise, peut prendre à bras le corps le sujet ?
Celui dont on peut penser qu’il est au centre du business et possède l’ensemble des données nécessaires pour rédiger des rapports extra-financiers fiables. Or, qui mieux que le DAF est le garant des informations chiffrées ? Qui est celui dont le métier est la structuration et la communication de l’information …
À ces 2 arguments s’ajoute un 3e, imparable. Le DAF est le professionnel de l’entreprise qui fait des demandes de financement et doit montrer « patte blanche » auprès des investisseurs – sans compter le reporting au Comité d’audit et au Conseil d’administration – pour démontrer que le projet de l’entreprise est solide. Or, comme nous l’avons vu, la finance durable monte en puissance. Sur ce dernier point, la DATA prend une importance cruciale. En effet, les investisseurs ont besoin de comparer les bilans RSE des entreprises entre eux.
L’urgence pour les DAF est donc de trouver de l’information pour pouvoir se comparer aux autres entreprises, améliorer la performance extra-financière, et mettre en place des plans d’action en ayant une donnée de plus en plus fiable.
Venons-en d’abord à l’importance de la DATA. Dans le cadre de la RSE et prochainement des exigences soulignées par la CSRD et la Taxonomie, l’entreprise doit être en mesure de piloter une stratégie sur la base des critères ESG. Et qui dit stratégie dit évaluation, avec des objectifs de court, moyen et long terme.
C’est au DAF et/ou au contrôleur de gestion qu’il revient de remonter les données obtenues auprès des fournisseurs, des collaborateurs ou encore des actionnaires, pour les croiser, afin d’initier des plans de transition sur le long terme. Charge à eux ensuite de faire redescendre des objectifs clairs et précis à atteindre pour chacun des métiers de l’entreprise.
En somme, la DATA, et plus précisément les données extra-financières, deviennent la nouvelle or noir des entreprises et son exploitant le DAF. Et la tâche s’annonce ardue.
Dans les grands groupes, le DAF peut être secondé par un département RSE rattaché au conseil d’administration. Mais, pour les structures plus modestes, il peut s’avérer rapidement complexe de mesurer et évaluer des performances extra-financières.
D’abord, parce que de nombreux DAF, contrôleurs de gestion, DRH et comptables ne sont pas encore assez familiers des questions de RSE, ensuite parce que des critères plus subjectifs, comme l’environnement de travail, seront beaucoup plus compliqués à mesurer, et enfin parce que les différents services d’une entreprise communiquent insuffisamment entre eux.
Or, pour aller chercher les données nécessaires au rapport extra-financier, il faut une implication des autres départements de l’entreprise pour faciliter la remontée d’informations.
Oui, la tâche est complexe. Les indicateurs ESG existent, mais, comparés aux normes comptables, ils ont beaucoup moins d’ancienneté et sont appelés à évoluer. De nombreuses entreprises soulignent ainsi leur difficulté à définir des KPI représentatifs et mesurables… Un participant à l’étude Priorités 2022 des Directions financières de PwC a ainsi avoué avoir eu les pires difficultés à définir ce qu’était un produit vert…
Garant de la véracité et de la transparence des données extra-financières, le DAF est aussi attendu au tournant pour développer un business model capable d’aligner RSE et performance financière. Car, qui mieux que lui a une vision transversale de l’entreprise, de son marché, et de la chaîne de valeur ?
Sous l’effet conjugué d’une législation plus contraignante, de l’attente des investisseurs, du marché et des consommateurs, la maîtrise des données extra-financières devient un savoir-faire indispensable.
Le DAF est au cœur du pilotage de ces données, comme il est et devient l’architecte d’un modèle économique qui prend désormais en compte la performance RSE de l’entreprise. Dans les PME/TPE qui n’ont pas les moyens de structurer un département RSE, le DAF peut être épaulé par un expert qui saura mettre en place une politique RSE avec des indicateurs, mais aussi conduire le changement.
Une 1ère étape pour se mettre en conformité avec un cadre législatif, qui, à n’en pas douter, concernera les PME/TPE, avec des contraintes de reporting de plus en plus exigeantes, pour relever ensemble ce défi.
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(1) Source : ecologie.gouv.fr. Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires/Ministère de la transition énergétique.
(2) Étude menée par PwC en partenariat avec DFCG. Plus de 400 Directeurs financiers, issus de 10 secteurs d’activité, ont répondu au questionnaire en ligne de l’étude (10e édition). Plus de 60 d’entre eux ont été interviewés.